samedi 25 octobre 2014

NATURE DE L'EAU : La structure de l'eau et la mythologie des clusters


La structure de l'eau


Connaitre l'organisation collective des molécules d'eau en phase liquide (qui n'est jamais un liquide pur en raison de son état toujours interfacial)  s'apparente à déterminer la célèbre "quadrature du cercle".

Ce sujet âprement débattu depuis plus de 25 ans est d'une rare complexité et doit être abordé avec tout à la fois une grande rigueur intellectuelle et une ouverture d'esprit comme toutes les questions traitant d'Aqua complex.


Deux modèles existent pour rendre compte de la structure de l'eau. Cependant, il est important de souligner qu'aucun de ceux-ci ne permet de rendre compte à la fois de toutes ces propriétés étranges manifestées par l'eau.


                    Le premier de type "discret" (qui est séparé en éléments) envisage l'existence de deux états bien distincts qui se différencient par l’énergie des liaisons hydrogène mises en jeu (différence de l’ordre de 10 kJ·mol-1) et par l’entropie associée aux structures correspondantes. 

Il y aurait ainsi une eau de basse densité appelée LDW («low-density water», ρ = 0,9 g·cm-3, majoritaire aux basses températures) au sein desquelles les molécules seraient associées par des liaisons hydrogène fortes plutôt linéaires dans des structures relativement rigides présentant une durée de vie de l’ordre de 13 picosecondes (1 ps = 10 -12 s) et une eau de haute densité dénommée HDW («high-density water», ρ = 1,2 g·cm-3, majoritaire aux hautes températures avec un maximum à 4° C) où les molécules seraient associées par des liaisons hydrogène fortement affaiblies et distordues dans des structures relativement lâches présentant une durée de vie beaucoup plus courte de l’ordre de 0,7 ps. 





Cette première théorie d'une eau "Janusienne" (Janus, divinité romaine à deux faces) avec deux espèces d'eau, est confortée par un grand nombre de mesures spectroscopiques mais ces espèces s'avèrent non observables expérimentalement par diffusion des rayons X ou des neutrons. Cette conception présente l’inconvénient de faire appel à deux états de densité différente au sein du même liquide, à moins d'envisager qu'il existe des fluctuations de densité entre ces deux types d'eau.


             Le second  modèle de nature continue serait constitué d'un réseau tridimensionnel de liaisons hydrogène fluctuant de manière complètement aléatoire (appelé CRN pour «Continuous Random Network») au cours du temps avec une durée de vie de l’ordre de la picoseconde (10-12 sec). Ce modèle est cohérent avec les mesures de diffusion des rayons X ou des neutrons.





Le professeur Marc Henry de l'Université de Strasbourg résume ainsi ces deux visions structurales de l'eau : "Pour simplifier à l’extrême il suffit de retenir que la science de l’eau liquide se trouve de nos jours à peu près dans le même état que la théorie quantique au début du XXème siècle avec une vision continue de type CRN antagoniste de la vision discrète en grappes de type LDW/HDW. Cette situation fait bien évidemment des ravages dans les ouvrages de vulgarisation scientifique en raison de la difficulté des différents auteurs à admettre que la notion de complémentarité (grappes/ CRN) s’applique à l’eau liquide à l’image de la dualité onde/corpuscule qui caractérise la matière quantique."

Il existe de même en biologie l'hypothèse d'une coexistence de deux types d'eau en équilibre dynamique dépendante de l'état cellulaire (repos ou mitose) et de notre état de santé 




La labilité de l'eau et les liaisons Hydrogènes intermoléculaires

Pourquoi est-il si difficile de spécifier l'organisation structurale de l'eau liquide?

Essentiellement en raison de sa nature labile. En effet, la nature polaire de la molécule d'eau (l’oxygène est chargé négativement et les deux hydrogènes le sont positivement) permet la formation de liaisons hydrogène (LH) avec d’autre molécules polaires (eau ou autres substances).
Ces LH  ont une durée de vie (cycle de créations et destructions) de l'ordre de quelques 200 femtosecondes (1 fs = 10-15 seconde).
Voir : 
http://www2.lbl.gov/Science-Articles/Archive/sabl/2005/October/Hydrogen-bonds-in-liquid-water.pdf

Cette brièveté conditionne la grande labilité des interactions chimiques entre les molécules d’eau mais aussi entre ces dernières et les multiples substances hydrosolubles (colloïdes, gaz dissous...). De plus, Les recherches sur ces agrégats concourent à expliquer de nombreuses caractéristiques anormales de l'eau , telle qu'une dépendance de la densité à la température très inhabituelle (voir notamment la glace). Les clusters d'eau sont également impliqués dans la stabilisation de certaines structures supramoléculaires. 

Le Professeur Marc Henry de l'Université de Strasbourg précise : "Il est impossible de représenter géométriquement la structure d’un liquide, car les molécules sont à la fois en agitation perpétuelle tout en restant en permanence collée les unes aux autres conférant une certaine structure à courte portée (inférieure à 1nm) qui est absente à l'état gazeux.


L'eau est une excellente illustration de l'impermanence des choses !




 

Les clusters, conception statique de l'eau  

La conception de la structure de l’eau, aujourd’hui la plus communément décrite et retenue, est celle de molécules associées par des liaisons hydrogène pour former des agrégats dénommés clusters en anglais. Ces arrangements moléculaires comprennent de deux à plusieurs centaines (voire milliers ou plus ?) de molécules d'eau,  disposées en une suite d’ «anneaux», de «cages» ou simplement de longues « chaînes ou cordes ». 


Voici une modélisation de quelques polymères de l’eau







Notons que les clusters sont des structures dynamiques à l’état liquide, les clusters statiques n’existent qu’en dessous de 0°C. Les molécules les moins mobiles sont organisées en cycles et les plus mobiles en chaînes.



Cette hypothèse d’organisation en cycles ou chaînes est corroborée par la mise en évidence de deux temps de relaxation mesurés par diverses techniques spectroscopiques (diffusion inélastique, rayons X, Infra-Rouge et Raman pulsé).



La dynamique des clusters de l’eau liquide présente vraisemblablement un caractère ondulatoire ; c’est la théorie du modèle d’onde élastique de Watterson. La représentation de ce modèle  revient à considérer que les clusters se déplacent un peu à la manière de la « Ola mexicaine » et non comme des molécules d’eau individuelles soumises à une agitation Brownienne aléatoire et complètement désordonnée.

L’un des avantages de cette formulation est qu’elle permet de calculer la taille moyenne des « clusters » pour une température et une pression donnée, soit un nombre moyen de molécules d’eau de l’ordre de 1400 par cluster, ce qui correspond à environ 11 molécules d’eau par longueur d’onde de 4 nm.








Commençons l’analyse de certains polymères par l’eau trimère qui semble être une singularité française. Ce regroupement de trois molécules d’eau a été mis en évidence par des études en spectroscopie Raman laser par le couple Luu 
("Connaissance de l'eau", par Dang Vinh & Claudine Luu, Inderplarn, 1993)



De plus, l’assertion selon laquelle cette eau serait la plus active d’un point de vue biologique semble avoir pour origine un papier de Claudine Luu et Jean Boiron en 1981. 

(« Structure de l’eau et relation avec le mécanisme d’action du médicament homéopathique ». Annales Homéopathiques Françaises, 1981 ; (5) : p 57)

Depuis cette date, nous lisons régulièrement dans plusieurs textes de livres, revues ou magazines, pages Web un « copié collé » de cette affirmation.

Citons par exemple dans un document récent,  Pierre Alexandre Nicolas :

"La méthode de mesure des fréquences de vibration des électrons par le spectromètre Raman n’étant pas elle scientifiquement contestée, elle fut toutefois admise, puis rejetée, puis à nouveau acceptée, Chandrasheskhara Venkata Râman, un physicien indien, reçut d’ailleurs le prix Nobel de physique en 1930 pour la découverte de « l’effet Raman », l’instrument de mesure appelé « spectromètre Raman laser » existant depuis les années 1960.
Cette méthode permet également de procéder au comptage des molécules dans un échantillon d’eau, on a ainsi pu constater que les liquides biologiques contiennent 30 % d’eau trimères, alors que l’eau provenant de la fonte des neiges contient essentiellement des molécules pentamères.


Les expériences menées à partir des différents types d’eau ont également montré que plus une eau est riches en molécules de type trimère, plus son action biologique est favorable à la vie… il a été aussi constaté que cette polymérisation de l’eau pouvait varier avec le temps et les conditions physiques, ainsi une eau conservée quelques jours dans une bouteille voit sa composition moléculaire modifiée, elle s’appauvrit en molécules trimères et s’enrichit en pentamères…"

http://toysondor.wordpress.com/2014/10/18/bourges-les-secrets-de-leau-avec-pierre-alexandre-nicolas/


De nombreuses autres pages internet parlent de cette "eau trimère", il suffit de taper ce terme sur un moteur de recherche

 La mythologie récurrente des clusters d'eau

Qu’en est-il de la réalité physique et biologique de cette fameuse eau trimère ?


Nous sommes typiquement ici en présence d’une interprétation erronée des données issues de la spectroscopie Raman laser. Laissons à nouveau la parole à Marc Henry dont les connaissances sur l’eau font autorité.



«  L'eau trimère n'existe pas en tant que telle dans l’eau liquide.  On ne la trouve sous cette forme qu'à l'état vapeur (ronde à trois molécules). Le problème du Raman/laser est que cette technique est  aveugle au-delà de 5-6 angströms, ce qui correspond à un maximum de 5  molécules d'eau observables simultanément. Le "trimère" vu par Raman/laser n'est donc qu'un petit fragment linéaire d'un ensemble beaucoup plus vaste indétectable en Raman/laser. Il correspond grosso modo à une molécule d'eau centrale liée par liaison H à 4 autres molécules d'eau, mais avec deux liaisons fortes et 2 faibles, alors que dans la glace hexagonale les 4 liaisons sont toutes équivalentes et fortes. Il est vrai que beaucoup "d'experts" parlent de l'eau trimère sans savoir réellement ce que recouvre ce terme. En d'autres termes ce "trimère" n'existe que parce que l'on utilise la technique Raman/laser et disparaît complètement quand on regarde avec une autre lorgnette (rayons X, neutrons, RMN, etc.). Ce n'est qu'un modèle commode pour interpréter les spectres Raman et vouloir lui attribuer une réalité biologique relève du pur fantasme ou de l'escroquerie intellectuelle. »



De plus, il est parfois fait mention de soi disantes propriétés biologiques de cette eau.  Nous n’avons jamais trouvé de données expérimentales en biologie qui étayeraient ce fait. En définitive, l’eau trimère active est donc une eau biologique mythique ! Reproduire une assertion, qui est plus est sans la vérifier, n'en fait pas pour autant une vérité...

Il en va de même des autres polymères de l'eau (pentamère, hexamère...) car aucune technique spectroscopique (Raman laser, Résonance Magnétique Nucléaire, Infrarouges, Ultra Violets...) ne permet ni de spécifier, ni de quantifier ces espèces moléculaires dans l'eau liquide ! 


Citons également José Teixeira, physicien au CNRS de Saclay et spécialiste de l’eau : «L’eau sous sa forme liquide est constituée de molécules sans cesse en mouvement. Elles ne peuvent donc pas avoir une structure fixe hexagonale qui n’existe que dans la glace. Quant aux “clusters”, il s’agit d’un vieux serpent de mer proposé au XIXe siècle par le physicien Wilhelm Röntgen, mais démenti depuis !».

http://www.sciencesetavenir.fr/decryptage/20111129.OBS5622/l-eau-kangen-mensonges-en-cascade.html 

Cependant, il faut souligner avec le chimiste Martin Chaplin que les clusters et la durée de vie des LH sont deux phénomènes indépendants.
  
En voici une illustration via le dessin ci-dessous qui montre pour M. Chaplin: "une représentation bidimensionnelle d'un phénomène à trois dimensions. Les grappes réelles de molécules d'eau ne sont pas représentées. Il est supposé (ci-contre) que les amas en forme d’étoiles (jaune) peuvent se reformer autour des= structures clés (losanges rouges qui représentent en réalité des oligomères cycliques H2O dans l'eau). Pour chaque cluster déplacé quelques unités se déplacent pour briser le cluster existant et aider à en créer un nouveau. Les nouveaux clusters sont identiques aux anciens. Ainsi, ces grappes dynamiques peuvent se répliquer à partir de n’importe quel bras de l'étoile. Un mécanisme de cette réorientation des clusters implique l’existence d’une cascade de protons entrainant cette nouvelle orientation"

Clusters and hydrogen-bond lifetimes are independent


 Source : http://www1.lsbu.ac.uk/water/clusters_overview.html

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Microclustering : the making of a myth

http://www.molecularhydrogeninstitute.com/about/microclustering-the-making-of-a-myth-part-1-facts-claims-and-history/ 

 http://www.molecularhydrogeninstitute.com/core-information/microclustering-the-making-of-a-myth-part-2-the-evidence-is-invalid/

http://www.molecularhydrogeninstitute.com/core-information/microclustering-the-making-of-a-myth-part-3-what-if-they-existed-chemical-and-physiological-consequences/ 

http://www.molecularhydrogeninstitute.com/core-information/microclustering-the-making-of-a-myth-part-4-potential-negative-health-effects-conclusions/ 

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Toutes les argumentations précédentes n'excluent cependant pas de considérer une organisation supramoléculaire composée de clusters hydriques comme dans la publication mentionnée ici : "Large Supramolecular Water Clusters Caught on Camera " by Ho M-W, en 2013

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  Au final, il est essentiel de comprendre que le réseau moléculaire au sein de l’eau ou entre l'eau ne cesse, en permanence,  de se remanier toutes les picosecondes (10-12 s). En conséquence, appréhender le comportement de l’eau n’a de sens que d’un point de vue dynamique (remaniement permanent des liaisons hydrogène) et non statique (agrégats polymériques ou « clusters » : eau dimère, trimère…) comme on le lit encore trop souvent.

Quelques exemples parmi (hélas) beaucoup d'autres :  

la triple erreur de l'argumentaire des eaux électronisées
  
1) La réduction de la taille des clusters est purement spéculative quelle que soit par ailleurs la méthode spectroscopique utilisée (RMN....)



2) Les molécules d'eau traversent les aquaporines pour pénétrer dans les cellules  de manière unitaire et non en grappes (clusters)



http://richardkangen.blogspot.fr/2012/09/miracle-journey-of-kangen-water3.html?view=classic

3) L'eau intracellulaire serait de forme hexagonale et mimerait l'organisation spatiale des cellules ! ! !


http://www.kangenwaterhealth.com.au/