vendredi 26 août 2016

EAU ET BIOLOGIE (6) : L'eau, organisatrice de la vie au niveau macromoléculaire



Un résumé (années 90) des rôles de l'eau dans la cellule par Pascale Mentré, l'auteure du livre de référence " L'eau dans la cellule", édition Masson, 1995

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L'eau, organisatrice de la vie au niveau macromoléculaire
Pascale Mentré
INRA 806, institut de Biologie physico-chimique, 13 rue Pierre et Marie Curie, 75005 Paris
Tél : 33.(0)1.58.41.51.78 — Fax : 33.(0)1.58.41.50.27 — E-mail : mentre@ibpc.fr

Bien que l'eau représente plus de 70% de la masse des cellules, il y a tout au plus deux couches de molécules d'eau autour de chaque macromolécule — soit une épaisseur de 0,6 nm — ce qui laisse peu de place entre les macromolécules (dont le diamètre moyen est de plusieurs nanomètres). Au contact des macromolécules, les molécules d'eau s'organisent de façon différente de l'eau ordinaire. Elles forment une eau dite structurée ou interfaciale (Eau-I). Elles sont attirées par les domaines ionisés qui les orientent le long de leurs lignes de force. Elles se lient par des liaisons hydrogène (liaisons H) aux domaines polaires. Elles interagissent peu avec les domaines apolaires ; mais ceux-ci constituant une rupture d'équilibre au sein de la phase aqueuse, elles sont contraintes de se réagencer, le plus souvent en "clathrates". L'effet des macromolécules s'exerce au-delà des molécules d'eau située à leur contact immédiat, au moins jusqu'à une distance de 10 Å, structurant l'eau sous des formes plus ou moins anisotropes.

Globalement, la totalité de l'eau de la cellule est de type interfacial.  C'est une eau très polymorphe, image directe de la variété des domaines qu'elle recouvre.

• Assemblages moléculaires. L'Eau-I joue un rôle important dans l'assemblage et le désassemblage réversible des macromolécules, soit en réunissant des domaines polaires par des liaisons H, soit en s'insinuant entre des domaines hydrophobes.

• Activité enzymatique. Les alignements de molécules d'eau reliées par des liaisons H rectilignes (structure ice-like) sont de bons conducteurs de protons. Cette conduction apparaît déterminante dans nombre de processus, à commencer par l'activité des enzymes.

• Régulation. La coopérativité des liaisons hydrogène, importante surtout dans l'eau ice-like, se traduit dans le profil sigmoïde de nombreux phénomènes comme l'allostérie ou la dénaturation des protéines. Il semble ainsi que les macromolécules exploitent cette coopérativité pour réaliser des états "tout ou rien" bien distincts, permettant ainsi une régulation fine de nombreux processus.
Les macromolécules exploiteraient également l'effet régulateur de la compensation enthalpie-entropie caractéristique des variations d'hydratation. 

• Reconnaissance moléculaire. L'Eau-I qui hydrate les domaines de reconnaissance récepteur-ligand, enzyme-substrat, ADN-facteur de transcription, antigène-anticorps, etc., permet d'éviter des assemblages erronés.

• Moteurs moléculaires. La densité de l'Eau-I peut varier de 0,96 (au contact de domaines polaires) à 1,2 (au contact de domaines chargés). Les changements de la configuration macromoléculaire peuvent ainsi s’accompagner de changements de volume, donc d'effets mécaniques.

• Exclusion sélective des ions. L'anisotropie de l'Eau-I limite fortement la liberté de mouvement des solutés, donc leur diffusion. Elle exclut les ions en fonction de leur place dans la série d'Hofmeister. Ceci est un argument avancé contre la théorie classique de la pompe à sodium pour expliquer que les cellules n'ont pas besoin d'un mécanisme particulier pour expulser le sodium.

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