Un résumé (années 90) des rôles de l'eau dans la cellule par Pascale Mentré, l'auteure du livre de référence " L'eau dans la cellule", édition Masson, 1995
* * *
L'eau,
organisatrice de la vie au niveau macromoléculaire
Pascale
Mentré
INRA
806, institut de Biologie physico-chimique, 13 rue Pierre et Marie Curie, 75005
Paris
Tél :
33.(0)1.58.41.51.78 — Fax : 33.(0)1.58.41.50.27 — E-mail :
mentre@ibpc.fr
Bien que l'eau
représente plus de 70% de la masse des cellules, il y a tout au plus deux
couches de molécules d'eau autour de chaque macromolécule — soit une
épaisseur de 0,6 nm — ce qui laisse peu de place entre les macromolécules
(dont le diamètre moyen est de plusieurs nanomètres). Au contact des
macromolécules, les molécules d'eau s'organisent de façon différente de l'eau
ordinaire. Elles forment une eau dite structurée
ou interfaciale (Eau-I). Elles sont
attirées par les domaines ionisés qui les orientent le long de leurs lignes de
force. Elles se lient par des liaisons hydrogène (liaisons H) aux domaines
polaires. Elles interagissent peu avec les domaines apolaires ; mais
ceux-ci constituant une rupture d'équilibre au sein de la phase aqueuse, elles
sont contraintes de se réagencer, le plus souvent en "clathrates".
L'effet des macromolécules s'exerce au-delà des molécules d'eau située à leur
contact immédiat, au moins jusqu'à une distance de 10 Å, structurant l'eau
sous des formes plus ou moins anisotropes.
Globalement, la totalité de l'eau de la cellule est de type
interfacial. C'est une eau très
polymorphe, image directe de la variété des domaines qu'elle recouvre.
• Assemblages moléculaires. L'Eau-I joue un rôle
important dans l'assemblage et le désassemblage réversible des macromolécules,
soit en réunissant des domaines polaires par des liaisons H, soit en
s'insinuant entre des domaines hydrophobes.
• Activité enzymatique. Les alignements de
molécules d'eau reliées par des liaisons H rectilignes (structure ice-like) sont de bons conducteurs de protons. Cette conduction apparaît déterminante
dans nombre de processus, à commencer par l'activité des enzymes.
• Régulation. La coopérativité
des liaisons hydrogène, importante surtout dans l'eau ice-like, se traduit dans le profil sigmoïde de nombreux phénomènes
comme l'allostérie ou la dénaturation des protéines. Il semble ainsi que les
macromolécules exploitent cette coopérativité pour réaliser des états
"tout ou rien" bien distincts, permettant ainsi une régulation fine
de nombreux processus.
Les macromolécules
exploiteraient également l'effet régulateur de la compensation enthalpie-entropie caractéristique des variations
d'hydratation.
• Reconnaissance moléculaire. L'Eau-I qui hydrate les
domaines de reconnaissance récepteur-ligand, enzyme-substrat, ADN-facteur de
transcription, antigène-anticorps, etc., permet d'éviter des assemblages erronés.
• Moteurs moléculaires. La densité de l'Eau-I
peut varier de 0,96 (au contact de domaines polaires) à 1,2 (au contact de
domaines chargés). Les changements de la configuration macromoléculaire peuvent
ainsi s’accompagner de changements de volume, donc d'effets mécaniques.
• Exclusion sélective des ions. L'anisotropie de l'Eau-I
limite fortement la liberté de mouvement des solutés, donc leur diffusion. Elle
exclut les ions en fonction de leur place dans la série d'Hofmeister. Ceci est
un argument avancé contre la théorie classique de la pompe à sodium pour
expliquer que les cellules n'ont pas besoin d'un mécanisme particulier pour
expulser le sodium.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire