Depuis son
origine, l’homme allait à l’eau et la plupart des sociétés réussissaient à
satisfaire leurs besoins croissants en eau en captant des ressources fiables et
relativement bon marché. Depuis le milieu du 20e siècle, la
consommation mondiale d’eau suit une courbe exponentielle. Cette modification
alarmante s’est produite en un temps très court en regard de l’âge de
l’humanité. Le corollaire de ce constat est celui de la diminution constante des
ressources en raison notamment de la croissance démographique, des pollutions
et du changement climatique prévu. Si les ressources en eau sont menacées, les
ressources qui dépendent de l'eau le sont aussi. L’eau disponible se raréfie pour
satisfaire nos besoins croissants en utilisations agricoles, industrielles et
domestiques, sa qualité se dégrade dangereusement partout dans le monde. De
plus, son prix augmente.
La crise mondiale de
l’eau est profonde et durable
Les causes de la crise planétaire de l'eau sont la résultante de facteurs
naturels, démographiques, économiques, politiques et culturels :
1) l'inégalité des répartitions géographiques à
la surface du globe ;
2) les changements climatiques et
écologiques (sécheresses, inondations, déforestations, réchauffement planétaire,
disparitions des zones humides…) résultant d'actions anthropiques ou naturelles
;
3) l'augmentation exponentielle des besoins,
surtout agricoles (70 % de la consommation mondiale) mais aussi
industriels (20 %) et domestiques (10 %). Cette croissance
vertigineuse est liée à la croissance démographique (la population mondiale,
aujourd'hui de 6,5 milliards d'habitants, devrait passer à quelques
9 milliards en 2050), à l’augmentation
du niveau de vie et à l’urbanisation galopante ;
4) l'absence ou les difficultés de gérer
collectivement les ressources en eau renouvelable
ainsi que la surexploitation des gîtes aquifères et le gaspillage.
5)
les pollutions diverses
6)
La désacralisation de « l’être de l’eau »
Les raisons de cette
crise généralisée de l’eau sont à la fois quantitatives et qualitatives et se
traduisent à toutes les échelles géographiques (village, ville, région, pays,
monde) par des enjeux économiques, géopolitiques, sanitaires et écologiques.
En
effet, une pénurie d’eau menace la planète dans les dizaines d’années à venir, la
biodiversité des milieux aquatiques s’amoindrit, des conflits et guerres
existent ou pourraient se produire pour l’accès à l’eau... Cependant, il est
évident que les données hydriques et
les solutions envisagées varient selon les continents, les pays et leur stade
de développement économique. Ainsi, dans les pays en voie de développement, en
sus du problème qualitatif, le cumul des facteurs énumérés plus avant se
combinent pour créer les conditions d'accès à l'eau les plus mauvaises avec des
conséquences dramatiques . Selon l'OMS, 1,5 milliard d'habitants de la
planète (soit 1 sur 4) n'ont pas accès à l'eau potable (salubre), 2,5 milliards
(soit près de 1 sur 2) ne sont pas raccordés à un réseau d'assainissement et
l’eau insalubre tue quelques 35000 personnes par jour !
Les
constats et incantations récurrentes des instances internationales et des
gouvernements n’ont malheureusement pas changé fondamentalement la donne
concernant ces dramatiques réalités hydriques.
Le déni de la réalité
« Jusqu'à
ce que la douleur le lui enseigne, l'homme ne sait pas quel trésor est l'eau ». Cette sentence de Lord Byron résonne aujourd’hui comme un
avertissement !
Serons-nous réagir à temps
en modifiant en profondeur notre empreinte écologique sur l’eau ? Hélas, rien
n’est moins sûr… Cependant, la raréfaction croissante et la qualité de l’eau
sont des réalités qu’il nous faudra intégrer rapidement de gré sinon de force
pour ne pas compromettre notre devenir et celui de tous les êtres vivants sur
cette planète.
Souvenons nous de René
Dumont le soir de l’élection présidentielle de 1974 brandissant un verre d’eau
et prophétisant que ce liquide deviendrait en quelques décennies, « l’or
bleu » du siècle à venir. Ce message suscita à l’époque des ricanements
amusés, de l’incrédulité ou pire de l’indifférence…
Discours catastrophiste d’un
écologiste illuminé ou réalité proche d’un monde assoiffé d’eau de qualité ? Aurions-nous oubliés
quelques évidences fondamentales au sujet de l’eau ? Notre corps est
constitué majoritairement d’eau tout comme notre planète. L’eau est une
puissance civilisatrice car elle est au cœur de nos pratiques sociales,
religieuses, économiques et sanitaires. L’eau est aussi omniprésente dans nos
gestes quotidiens. Arrêtons nous, juste un instant pour imaginer notre
quotidien sans eau. Plus moyen
simplement, de se désaltérer, de faire du café, de préparer une soupe,
de se laver, de laver son linge, d’arroser son jardin, de faire la vaisselle… La
vie devient tout simplement impossible et il y a urgence à réagir !!!
Pour une « révolution bleue » :
Quelques réflexions et propositions
Eau collective, eau individuelle
Notre responsabilité
vis-à-vis du devenir de notre planète et de son eau est à la fois collective et
individuelle, présente et future.
S’il
nous apparaît aujourd’hui tout à fait justifié d’un point de vue sanitaire d’avoir
recours à des solutions individuelles de purification et de structuration de
l’eau du réseau pour boire une eau de qualité « biocompatible »
(potable, pure et structurée), les problèmes de pollutions des eaux brutes sont
une réalité récurrente qui nécessitent impérieusement d’agir collectivement
pour reconquérir une qualité de l’eau à la source et préserver ce bien
patrimonial universel pour les générations futures. Cette question de la
qualité de l’eau va bien au-delà de la seule considération sanitaire ;
elle nous oblige à dépasser la myopie utilitaire et marchande de notre rapport
à l’eau que nous buvons.
Prenons conscience collectivement et
individuellement de nos pollutions dans nos actes quotidiens à travers notre
comportement consumériste (achat de produits toxiques ménagers, rejet de
matières polluantes à l’évier…). De même, il est facile d’adopter des systèmes
simples d’économie d’eau dans nos foyers.
Gérer l’eau différemment
Modifier l’orientation économique et les
pratiques agricoles
L’agriculture consomme 70%
de l’eau utilisée dans le monde, principalement par l’irrigation. Il est tout à
fait concevable de réduire cette quantité par des techniques modernes ou
ancestrales plus économes en eau ainsi qu’en cultivant des plantes moins
hydrovores. De plus, le mode de production agricole intensive nécessite
l’utilisation de pesticides qui menacent à terme notre santé et d’engrais de
synthèse. Il y a nécessité impérieuse de remettre en cause ce modèle qui
assèche et pollue dangereusement l’ensemble de la planète.
L’eau citoyenne
Devenons des citoyens de
l’eau en appuyant les propositions des tenants de l’eau, bien commun
patrimonial (comme le Contrat Mondial de l’Eau de Riccardo Petrella) qui
s’oppose à la vision marchande de l’eau des opérateurs privés et des institutions
internationales. Le combat pour l’eau patrimoniale s’appuie sur des propositions
concrètes et simples d’associations (France Libertés, ACME…) comme la mise à disposition
pour chaque être humain de 40
litres d’eau potable gratuite par habitant et par jour. Cette
quantité correspond à la satisfaction des besoins vitaux (boisson, eau de
cuisson, hygiène). Comment financer cette mesure ? En prélevant 1% du
budget militaire mondial annuel pour offrir l’accès à l’eau potable là où les
infrastructures sont insuffisantes. De plus, ces associations demandent l’inscription
du droit d’accès à l’eau potable dans les constitutions des pays et la gestion
de la distribution et de l’assainissement de l’eau potable en terme de services
publics
Par ailleurs, la décroissance
de notre consommation passe par de réelles économies d’eau qui impliquent de
développer autant que faire se peut, des modes d’une gestion alternative à
l’eau du réseau comme le recyclage de l’eau pluviale et l’assainissement
collectif et autonome par des techniques respectueuses de l’environnement
(lagunage, phytoépuration)
En effet, il serait possible
de gérer différemment les qualités de nos besoins en l’eau. Il faut bien reconnaître
l’absurdité de fabriquer à un coût croissant de l’eau potable pour les usages
domestiques qui n’en nécessitent pas (WC, lessive). De même, il serait plus
logique, économe et écologique de retenir l’eau pluviale à la parcelle notamment
dans nos villes et d’éviter ainsi l’encombrement des stations d’épuration.
L’eau virtuelle
Elle correspond à la quantité d’eau nécessaire pour
produire des biens de consommation industriels ou agricoles. Il faut par
exemple 20.000 litres
d’eau pour produire 1 Kg
de viande de bœuf mais dix fois moins pour faire
pousser 1 Kg
de blé. Il est donc possible de réduire concrètement notre empreinte sur l’eau
par le choix des aliments que nous consommons. Cette dimension d’eau virtuelle
n’est jamais ou très rarement prise en compte dans les opérations de
sensibilisation sur les économies d’eau.
Plaidoyer pour un respect de
l’eau
L'eau est sans
nul doute l’un des éléments le plus précieux des patrimoines de l'humanité et
nous nous devons de nous occuper d’urgence
de son partage équitable et de sa qualité ; c’est un
« avoir » indispensable mais nous faisons une erreur essentielle si
nous oublions « l’être de l’eau ». Il importe de garder à l'esprit sa
dimension symbolique, sa beauté désaltérante… Ceci passe par la réhabilitation des
fontaines, l’accès aux eaux courantes et superficielles dans les villes (comme
en Allemagne par exemple), l’éducation au respect de l’eau… Toutes ces actions
participent au souci de préserver la capacité de ces eaux à devenir des eaux
symboliques. Elles nous sont tout
aussi indispensable que leur matérialité.
Pour certains
scientifiques comme David Lorimer, ce respect de l’eau est tout autant un devoir qu’une nécessité écologique : « Le
lien nous unissant à la Terre,
mais tout particulièrement à l’eau, s’est défait et il nous est indispensable
de le renouer d’urgence ».
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